Julien Parme de F. Zeller
Un autre roman que j'aime beaucoup...
Extrait
"Dans les couloirs, j’ai assisté à une scène carrément incroyable. Un truc que j’aurais peut-être même pas remarqué une autre fois. Je veux dire, un jour
comme les autres. A force de vivre normalement, je ne sais pas si vous avez remarqué, mais on a l’esprit d’observation anesthésié. On ressent plus rien du tout. On se contente d’aller d’un
endroit à un autre, avec du vide dans les yeux. Mais les jours où on se sent fragile, on a toujours une sensibilité plus forte, une attention aiguisée comme un couteau, et on perçoit des trucs
bien plus subtils. Voilà ce que je pense. C’est pour ça qu’à mon avis, la souffrance, c’est bien de temps en temps. Ca vous force à ouvrir les yeux. Et à l’inverse, le pire, selon moi, c’est de
ne plus savoir souffrir. Certains types sont comme ça. Rien qu’à les voir, on comprend qu’ils sont incapables de souffrir, d’avoir mal, de s’abîmer dans la détresse. Ils sont toujours à la
surface des choses, comme une bouée triste, qui connaîtra jamais les fonds marins, les poissons, les requins. Ils ont si bien pris l’habitude de vivre qu’ils traversent leurs journées identiques
sans jamais témoigner d’une quelconque sensibilité. Les types comme ça, ça me dépasse"